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Adrien CANNAMÉLA

L'étau

Rémi, cinq ans, est mon petit-fils.
C'est un petit oiseau blessé
Refugié dans son silence
Ses yeux grands ouverts
Qui interrogent
Et ne comprennent pas.
Que lui arrive-t-il,
Pourquoi subitement tient-il à peine
Sur ses petites jambes de cinq ans ?
Pourquoi n'a-t-il plus
Ni faim, ni soif,
Et puis,
Plus rien ne le fait rire....
Il promène son regard triste
Autour de cette chambre
Qu'il ne reconnaît pas.
Juste un éclair de vie
Quand il rencontre les yeux attendris
De sa maman crucifiée
Qui tente d'enfouir ses larmes.
Il redoute chaque jour
Cette méchante femme en blanc
Qui vient faire des trous
Dans sa peau.
Entre deux gestes forcés
Il dort,
Il dort ce petit oiseau blessé
Réfugié dans sa souffrance.

Et il rêve...
Il rêve des petits camarades d'école
Qui courent à la récréation,
Qui dévorent des goûters,
Qui chantent avec la maîtresse
À l'approche de Noël,
Il rêve
D'entrer avec eux dans la farandole
Autour du sapin,
D'embrasser le Père Noël
Sous les lampions fabuleux
Qui clignotent dans la joie de vivre...
Mais son sommeil s'agite :
Il dit souvent : "Non !"
Ou agite un petit bras dans le vide
Comme pour lutter désespérément,
S'accrocher à l'existence,
Se révolter aussi
Du haut de ses 5 ans
Contre cette chose
Qu'il ne comprend pas.
Il semble alors
Que sa petite bouche défaite
Murmure faiblement
En balbutiant:
"Pourquoi?"
Matins difficiles
Immergés dans une sorte de brouillard
Jusqu'alors jamais rencontré;
La voix maternelle, si douce,
Qui l'appelle,
Des bras généreux qui le serrent doucement.
Des rayons de soleil
Derrière la fenêtre
Qui veulent absolument
Que la vie se perpétue
Dans ce petit coeur
D'oiseau blessé
Réfugié dans le silence.

Chaque rayon
Est comme une échelle
Qu'il voudrait gravir
Pour atteindre la lumière,
Sa lumière d'avant,
Sa joie d'enfant de 5 ans
Qui gambade dans la cour de l'école,
Qui joue avec ses frères,
Qui chantonne gaîment
Sur cette musique qu'il aime tant
Dans ce CD qu'il a choisi de lui-même.
Mais ses paupières sont lourdes,
Lourdes, lourdes,
Une grande lassitude l'oblige souvent
Conte d'une chose véridique... s'allonger doucement:
"Je vais me reposer" dit-il
Sur ce canapé refuge
Où son corps soudain
Semble peser des tonnes,
Des tonnes.
Tous ces grands autour de lui
Le fatiguent,
Ces bruits dans la maison
Le fatiguent,
Ces longs jours d'immobilité
Le fatiguent,
Sauf...
Sauf quand une voix charitable
Vient lui raconter une histoire:
L'histoire de "L'enfant qui voulait devenir ours"
Ou celle des "Lutins perdus dans la forêt",
Ou celle...
Ah! Voilà encore cette méchante femme en blanc
Avec sa petite épée de douleur:
"Je ne veux pas !"
"Je ne veux pas !"

Et cet affreux cathéter
Qui colle à la peau
Comme un poignard déjà dans sa poitrine:
"Je ne veux pas !"
"Je ne veux pas !"
De minuscules clochettes d'or
Tintinabulent maintenant dans sa tête,
Sa petite main s'est détendue,
Son ventre où fermente ce mal insidieux
Prend la cadence de sa respiration,
Et le petit oiseau blessé
Se réfugie dans son silence...

ET NOUS !
Nous, pauvres adultes impuissants,
Nous les égoïstes, témoins inutiles,
Nous qui nous plaignons parfois
De vétilles ridicules,
Nous qui courons, chantons, dansons,
En quête d'un bonheur illusoire,
Nous hagards, stupides
Devant cet enfant de 5 ans
Réfugié dans sa souffrance.
NOUS !
À quoi servons-nous ?
Pourquoi sommes-nous là
Incapables de partager
La détresse et la misère,
L'injustice et la cruauté,
AVONS-NOUS ASSEZ D'AMOUR ?

Pourquoi ne prenons-nous pas
La place de ce petit être innocent
Qui nous regarde avec une gravité TERRIFIANTE
Et qui semble nous dire:
"Je vous en prie,
Donnez-moi encore un peu de vie !"
                       

Adrien Cannaméla, 2008

Rémi collectionne les timbres. Si, lors des prochains spectacles, vous pouvez en apporter pour lui à Jeanne ou Adrien, n'hésitez pas !
                                                                                                                                                 Le Rouge Gorge